Les “Iconoclasses 6″.
Résidence d’Artistes en milieu scolaire de la Galerie Duchamp d’Yvetot
Introduire l’atelier par LES VOYAGES DE GULLIVERS peut paraître à-propos puisqu’il s’agit d’un conte pour petits et grands et philosopher là dessus fut pour nous Un plaisir.
Les points de vue et les rapports d’échelle mis en scène dans ce film illustrent bien l’intérêt de mes préoccupations actuelles. C’est pourquoi j’ai accompagné la diffusion du film, simultanément sur deux téléviseurs (un petit l’autre grand) d’une installation précédemment conçue :
» Un tas de poudre de charbon soumis aux vibrations d’un boomer enfouis propageant un souffle.
A sa base, une petite maison nous permet de penser que ce tas est un tertre, de se représenter une maquette.
Le tas s’affaissant le son monte et remplit l’espace qui l’accueille comme une caisse de résonances.
La légère poussière qui s’envole en fumée au Cœur du boomer donne au tertre un aspect volcanique. »
Puis la longue-vue dont je m’étais muni à l’intérieure de laquelle on accédait à une île lointaine :
« Une étendue de terre à l’horizon vue de la mer»
Les jours suivants, les enfants venaient à l’atelier comme on entre dans un univers. Personnellement, je pensais à différentes interventions, aussi légères que possible, à investir l’espace de la classe mais aussi du préau. Il faut dire que je venais en train, je leur avais parlé du point de vue de celui qui, se déplaçant dans le paysage, le voit défiler devant ses yeux. Mais avant d’en revenir à notre projet initial, un petit détours « initiatique» me semblait nécessaire:
« Qu’est ce qu’une installation?»
Il peut paraître difficile de l’expliquer à des enfants peut-être moins qu’à des adultes d’ailleurs pour qui il serait vain d’entrer dans toutes explications. Bref, essayons d’être simple, d’adapter le propos au niveau des enfants de le poser à leur portée pour qu’ils puissent ensuite apporter leur contribution à l’avancée du projet. Tout d’abord définir les domaines de l’art; pour eux des arts isolés:
peinture, danse, sculpture etc … puis bouleverser:
danse chantée, photo sculptée, peinture vidéo etc …
-« mais alors comment lire le réel ? »
-« se façonner un regard. »
Nous ne perdrons pas de vue notre intime part de rêve et poserons donc l’installation comme un discours, une mise en scène spatiale d’éléments de toute sorte.
D’éléments nous ne manquions pas, il y en avait tout autour de nous, sans compter la provision d’idées dont je m’étais muni:
- un petit écran de téléviseur,
- un papier peint de paysage (style salle d’attente),
- des éléments de maquette,
- des reportages vidéos (l’univers, les cyclones, les inondations).
(La force des objets, leur connotation, leur utilité, à la fois ce à quoi ils nous renvoient et ce à quoi ils nous servent.)
Donc, de l’art d’organiser une relation entre des objets ou des médiums selon une mise en scène de l’espace dans lequel se pose l’installation.
Et les enfants ne s’y sont pas trompés même s’ils n’avaient pas tous la même vision.
De retour au projet initial avec ce microcosme en tête, notre attention se porte tout naturellement sur le mobilier: le bureau du professeur, le support de rétroprojecteur et le tableau.
Suite à une observation scrupuleuse de ces éléments nous avons dors et déjà l’intention d’utiliser les deux bureaux comme socles d’univers: il s’agira de deux mondes, d’îlots respectifs sur lesquels s’échouent des paysages imaginés. L’idée d’en faire deux continents, en apparence identiques (à un placard prés), nous enchante et incite aux plus fantaisistes envies.
Un rappel à l’ordre s’impose afin de canaliser l’engouement, d’aller au plus vif du sujet tout en évitant la décoration, la profusion ou le remplissage. Un constat S’impose à nous: un tiroir (désormais devenu pour nous plateaux, prairie ou vallée) fermé ne suscite-t-il pas plus de curiosité qu’un tiroir ouvert n’a d’intérêt?
Nous ne les utiliserons donc pas tous, en entrouvrons certains. La place du tertre dépassant du tiroir central était la plus improbable, c’est donc celle que nous avons choisie. Comme il était question, à un moment donné, d’une source de chaleur, de magma en fusion, d’évoquer ce soleil au cœur de la terre et que nous disposions d’une guirlande lumineuse jaune dont nous ne savions pas quoi faire, l’idée de la dissimuler dans un tiroir en état de clignotement fit l’unanimité. Cela donnait au crépitement lumineux un aspect de brasier silencieux.
Ce bureau, nouveau monde, invitait à la curiosité…
Pendant-ce temps, sur l’autre île se posent les mêmes questions. La mise en valeur est importante puisqu’elle soulignera l’élément de rangement qui diffère.
Alors que nous imaginions le dialogue de ces deux mondes, le tiroir centrale de l’un, tiré comme la langue a son vocabulaire, le placard de l’autre, ouvert comme une oreille à l’écoute, il nous paraissait évident que l’un parlait à l’autre qui écoute. De là, découle la possibilité d’ouvrir soi-même l’oreille de ce placard, tandis qu’il est impossible de taire le tiroir d’où le tertre déborde.
Comme j’invitais les enfants à ressentir l’immensité d’un paysage, en le sortant du cadre de sa représentation:
ligne d’horizon, lignes de perspective, point de fuite, nous projetions donc j’image d’un paysage sur une partie choisie de ce bureau. De sorte que la ligne d’horizon se brise selon ses recoins. Cela avait pour effet de troubler les profondeurs de champs initiales tout en en créant de nouvelles par le volume. A droite de l’image se trouvait une maison qui désormais se situe sous la clenche. Ce détail incitait à ouvrir le placard comme pour visiter la maison, par ce simple geste, la ligne d’horizon retrouvait son alignement initial. L’image, projetée sur ce bureau de bois vernis et usé semblait soudainement peinte évoquant les tableaux écaillés par le temps.
L’idée même du retable me traversa l’esprit…
Cyclone
A lire:
Les articles de presse sur la résidence en page 2…